
L’historien français Christophe Lafaye, qui a contribué à la réalisation du film-documentaire “Algérie-Section armes spéciales”, a exhorté la France à ouvrir l’intégralité de ses archives militaires sur l’utilisation à grande échelle de gaz chimiques interdits par l’armée française durant la Guerre de libération nationale.
Un appel à la transparence et à la mémoire historique
Dans un entretien accordé au quotidien Le Courrier d’Algérie, l’historien a insisté sur l’urgence d’accéder aux archives militaires françaises, tout en recommandant de mener en Algérie des collectes de témoignages oraux à travers les différentes régions.
Selon lui, la réalisatrice Claire Billet, à travers ce film-documentaire, a cherché à révéler au public français l’existence d’une guerre chimique menée par la France en Algérie.
L’accès restreint aux archives, un frein à la vérité
Christophe Lafaye, docteur en histoire à l’université d’Aix-Marseille, a dénoncé les entraves à l’accès aux archives en France. Il a rappelé que, bien que les archives du service historique de la défense aient été largement ouvertes entre 2012 et 2019, un revirement brutal est intervenu en décembre 2019, avec la fermeture des archives contemporaines du ministère de la Défense.
Cette restriction découle d’un conflit juridique entre deux textes :
– La loi de 2008 sur les archives, qui prévoyait une déclassification automatique après 50 ans,
– Une instruction interministérielle du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, exigeant une déclassification au cas par cas.
Pour Lafaye, un grand pays doit assumer son histoire et permettre aux historiens de rendre cette vérité accessible aux citoyens, afin d’engager un débat public basé sur des faits vérifiés plutôt que sur **des opinions subjectives**.
Censure et diffusion retardée du documentaire
Interrogé sur la censure du film-documentaire par France Télévision, Christophe Lafaye a révélé que le documentaire, après une première diffusion sur la chaîne suisse RTS le 9 mars 2025, devait être projeté une semaine plus tard sur France 5, mais a été reporté à une date indéterminée (a priori en juin).
“Nous avons été très surpris par cette décision”, a-t-il confié, soulignant l’importance de diffuser ce documentaire en France et à l’international, notamment au Maghreb, afin de libérer la parole et faire face à l’histoire coloniale.
Une nécessité de reconnaître les crimes coloniaux
L’historien a insisté sur la nécessité pour la France de faire face aux réalités de la guerre coloniale, estimant que les non-dits historiques continuent de gangrener la vie politique et empêchent une reconnaissance claire des conséquences des conflits coloniaux dans le monde.
Il a également confirmé que l’usage du Napalm par l’armée française contre des populations sans défense en Algérie est documenté dans les archives du ministère des Armées.
La question des déchets radioactifs
Concernant les déchets radioactifs issus des essais nucléaires français dans le sud de l’Algérie, Christophe Lafaye a dénoncé le fait que ces archives restent inaccessibles en vertu du statut des archives incommunicables.
Il a plaidé pour une impulsion politique forte en France afin de mettre fin à ces blocages et permettre aux historiens d’accéder aux documents nécessaires à la recherche et à la vérité historique.
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