
Docteur Salim BENLEFKI
Le jeûne du Ramadan est une pratique religieuse observée par des millions de personnes à travers le monde. Outre ses considérations spirituelles, le jeûne peut également avoir des effets significatifs sur le fonctionnement du cerveau et de la santé mentale. Cette revue examine les mécanismes neurobiologiques sous-jacents aux effets du jeûne du Ramadan sur le cerveau, ainsi que ses implications pour la cognition, l’humeur et la santé mentale.
Comprendre l’influence du jeûne du Ramadan sur le cerveau et la santé psychologique.
Les nombreux bienfaits du jeûne ne sont plus à démontrer à notre époque moderne où différentes formes de jeûne ont vu le jour (jeune hydrique, monodiète, jeune intermittent). Le jeûne du Ramadan est un jeûne de type intermittent qui consiste en l’absence de nourriture et de boisson du lever au coucher du soleil pendant un mois lunaire. Cette pratique peut entraîner des changements physiologiques et métaboliques significatifs dans le corps, mais ses effets sur le cerveau sont moins bien compris. Tout au long de cet article, nous allons examiner la littérature scientifique existante sur les effets du jeûne du Ramadan sur le cerveau, en mettant l’accent sur les mécanismes neurobiologiques impliqués et l’impact de ces derniers sur la santé mentale.
Effets du jeûne sur le cerveau
Le jeûne du Ramadan peut induire des changements dans le métabolisme énergétique du cerveau. Pendant le jeûne, le corps passe d’une source de carburant principalement glucidique à une utilisation accrue des réserves de graisse. Cela peut entraîner une augmentation de la production de corps cétoniques, tels que le bêta-hydroxybutyrate, qui peuvent servir de source d’énergie alternative pour le cerveau. De plus, le jeûne peut stimuler la production de facteurs neurotrophiques tels que le facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF), qui est impliqué notamment dans la formation de nouvelles cellules nerveuses, ou neurogenèse. Il intervient également dans le processus de développement de nouvelles connexions neuronales, appelé plasticité synaptique, et dans la protection contre le stress oxydatif.
Implications pour la cognition et l’humeur
Plusieurs études ont examiné les effets du jeûne du Ramadan sur la cognition et l’humeur. Certaines recherches suggèrent que le jeûne peut améliorer la concentration, la vigilance, la clarté mentale et la mémoire chez certaines personnes. En ce qui concerne l’humeur, certaines études ont suggéré des améliorations de l’humeur et du bien-être psychologique chez les personnes pratiquant le jeûne du Ramadan, dans certains cas on rapporte également un effet anxiolytique voire un effet anti-dépresseur associé au jeûne avec une diminution du niveau de stress chez les jeûneurs.
Mécanismes neurobiologiques sous-jacents
Les effets du jeûne du Ramadan sur le cerveau peuvent être attribués à plusieurs mécanismes neurobiologiques. En plus de la production de BDNF mentionnée précédemment, le jeûne peut également induire des modifications dans les systèmes neuroendocriniens, tels que l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HPA) contrôlant les réponses au stress, et le système sérotoninergique. Ces modifications hormonales conduisent notamment à la libération d’un neuromédiateur, l’endorphine, dont l’augmentation significative a été observée chez les individus au cours d’un jeûne prolongé. La sécrétion d’endorphine est accompagnée d’un sentiment de plaisir et de relaxation.
En outre, la concentration de sérotonine, un autre neuromédiateur impliqué cette fois-ci dans la régulation de l’humeur, a également présenté une augmentation significative chez les sujets en état de jeûne. Il est intéressant de noter que des recherches ont mis en évidence une corrélation entre la régulation du système sérotoninergique et la production de BDNF ; d’après certaines études, ce dernier induit la synthèse et la libération de sérotonine dans les synapses nerveuses.
Par conséquent, la sécrétion croissante d’endorphine et de sérotonine explique probablement l’influence positive du jeûne sur la régulation de l’humeur, du stress et de l’anxiété.
Effet neuro-protecteur du jêune contre les maladies neurodégénératives
Comme évoqué précédemment, dans l’état de jeûne, l’organisme puise dans ses réserves lipidiques et synthétise une quantité importante de corps cétoniques, dont le principal consommateur est le cerveau. Ainsi, la consommation de ces corps cétoniques par le cerveau atteint des niveaux très élevés dans les premiers jours, puis se prolonge et se stabilise tout au long du jeûne.
D’après plusieurs études, l’utilisation de sources énergétiques d’origine lipidique en substitution du glucose s’avérerait bénéfique pour le bon fonctionnement des cellules nerveuses. Dans ce sens, de récentes études ont suggéré que la production de corps cétoniques associée au jeûne permettrait un environnement favorable au cerveau et aurait un potentiel effet neuroprotecteur contre les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson.
Dans le contexte pathologique, le jeûne aurait réduit de façon non négligeable les symptômes de la maladie. En ce sens, certains travaux ont tenté de mimer les conditions métaboliques induites par le jeûne en apportant une quantité abondante de corps cétoniques aux neurones. Les études ont démontré que les cellules nerveuses auraient été en capacité d’éliminer les agrégats de protéines bêta-amyloïdes responsables du déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer.
Le jeûne du Ramadan peut avoir des effets significatifs sur le fonctionnement du cerveau et la santé mentale. Certains aspects, tels que l’augmentation de la production de corps cétoniques, de BDNF et de neuromédiateurs, sont des résultats encourageants dont il faut continuer à explorer les effets en raison des bénéfices importants sur les processus cognitifs et la santé mentale de manière générale. À ce titre, des recherches approfondies et harmonisées sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes neurophysiologiques associés au jeûne, afin d’envisager cette pratique dans une approche préventive ou thérapeutique.
les commentaire
J’avais lu un article concernant les effets du jeune sur le corps dans science et vie mais l’article était resté tres vague concernant le cerveau. Merci pour cette analyse détaillée