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L’offensive contre l’Iran : diversion stratégique et calculs politiques croisés de Netanyahu et Trump

Par Salim BENLEFKI.-- 14-Juin-2025 0

L’attaque israélienne contre des installations stratégiques en Iran, suivie des représailles de Téhéran sur le territoire israélien, marque une dangereuse extension des tensions déjà explosives au Moyen-Orient. Si l’escalade semble s’inscrire dans une logique sécuritaire classique entre deux puissances rivales, ses ressorts véritables sont en réalité profondément politiques, liés aux intérêts immédiats de deux figures centrales : Benjamin Netanyahu et Donald Trump.

Une escalade qui dépasse le simple affrontement militaire

Derrière les frappes se dessine un double agenda où se mêlent diversions tactiques, survie politique et reconquête de leadership intérieur et international.trump

Iran

 

Netanyahu : multiplier les crises extérieures pour mieux éteindre l’incendie intérieur

Affaibli sur plusieurs fronts, Benjamin Netanyahu exploite l’escalade des tensions avec l’Iran comme une opportunité politique majeure pour tenter de sauver son avenir. Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, le Premier ministre israélien fait face à une contestation intérieure d’une ampleur inédite : sa réforme controversée du système judiciaire a profondément divisé la société israélienne, provoquant des mois de manifestations massives qui ont fragilisé sa légitimité. En parallèle, ses multiples mises en examen pour corruption, fraude et abus de confiance continuent de menacer sa survie politique et judiciaire. Dans ce contexte, raviver la confrontation avec l’Iran lui permet de poursuivre plusieurs objectifs stratégiques étroitement imbriqués. D’abord, détourner l’attention internationale du drame humanitaire en cours à Gaza, où le conflit a déjà provoqué des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de blessés, des familles entières anéanties, des enfants mutilés et une population entière acculée à la famine, privée d’accès aux soins, à l’eau et à l’électricité.

Face aux accusations de génocide et aux appels croissants à un cessez-le-feu durable, la montée des tensions avec Téhéran recentre le discours diplomatique mondial sur la vieille rivalité israélo-iranienne et la menace nucléaire, éteignant temporairement la pression exercée par les mobilisations internationales en faveur de la Palestine. Ensuite, sur le plan intérieur, l’aggravation des menaces régionales lui permet de ressouder sa coalition d’extrême droite autour de l’urgence sécuritaire, muselant momentanément les divisions politiques et les critiques internes. Par ailleurs, en se présentant comme la cible directe des provocations iraniennes, Netanyahu cherche à regagner l’appui automatique de ses alliés occidentaux — États-Unis et plusieurs pays européens — parfois mis en difficulté face aux crimes de guerre perpétrés à Gaza. Enfin, chaque épisode militaire majeur lui offre un répit judiciaire : les procédures à son encontre sont suspendues ou ralenties sous prétexte d’état d’urgence, lui permettant ainsi de retarder l’échéance de ses procès. Cette stratégie de fuite en avant, qui instrumentalise la tragédie régionale, s’inscrit dans une logique de survie politique cynique où l’escalIsqr{eade des violences devient un levier de maintien au pouvoir.

Trump : instrumentalisation électorale de la crise au Moyen-Orient

Alors que la tension au Moyen-Orient s’intensifie, Donald Trump, probable candidat à l’élection présidentielle de novembre 2024, exploite cette nouvelle escalade dans une stratégie électorale calculée. Confronté à de multiples revers intérieurs — une position fragilisée sur la guerre en Ukraine, des tensions commerciales persistantes avec la Chine, des difficultés industrielles croissantes (avec des signaux d’alerte chez Tesla et dans la logistique portuaire de Los Angeles), des conflits fiscaux ainsi qu’un enchevêtrement de procédures judiciaires — Trump cherche à détourner l’attention de ses vulnérabilités internes en recentrant le débat sur la politique étrangère et la sécurité internationale. La crise israélo-iranienne lui offre un terrain propice pour projeter l’image d’un dirigeant ferme capable de faire face au désordre mondial. Dans le même temps, il mobilise son électorat évangélique et pro-israélien, pilier essentiel de sa base électorale dans plusieurs États clés, en affichant un soutien inconditionnel à Israël et en diabolisant l’Iran, ennemi historique de la droite conservatrice américaine. Par ailleurs, en invoquant son bilan passé — notamment le « deal du siècle » et les accords d’Abraham qu’il avait vantés comme des succès diplomatiques majeurs — Trump tente de raviver son image d’homme fort sur la scène internationale et de se poser en ultime rempart face aux ambitions nucléaires de Téhéran, tout en capitalisant sur le climat de peur et d’instabilité pour fédérer un électorat sensible aux enjeux sécuritaires. Cette instrumentalisation de la crise s’inscrit ainsi dans une manœuvre politique cynique, où la tragédie réelle des populations au Moyen-Orient devient un simple levier de campagne.

Une double diversion aux conséquences régionales explosives

L’instrumentalisation simultanée de la crise par Benjamin Netanyahu et Donald Trump leur procure, à court terme, des bénéfices politiques internes, mais fait planer de lourdes menaces sur l’équilibre régional et international. D’abord, le risque de régionalisation du conflit s’intensifie dangereusement. L’Iran, appuyé par ses alliés du Hezbollah au Liban, ainsi que par des milices puissantes en Syrie, en Irak et au Yémen, pourrait ouvrir de nouveaux fronts armés contre Israël. Une telle escalade risquerait d’entraîner l’ensemble du Moyen-Orient dans une guerre généralisée et prolongée, aux conséquences humanitaires et sécuritaires dramatiques. Ensuite, cette séquence détourne l’attention diplomatique mondiale de la catastrophe qui continue de se dérouler à Gaza, où les bombardements massifs ont déjà provoqué des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de blessés, une population affamée, privée de soins et de ressources de base, sous le coup d’accusations croissantes de génocide et de crimes de guerre. Enfin, cette dynamique place les puissances occidentales — États-Unis, Union européenne et alliés arabes — dans une position de plus en plus intenable. Leur soutien quasi inconditionnel à Israël se heurte désormais à une opinion publique internationale de plus en plus indignée, ainsi qu’aux principes du droit international qui condamnent les violations des droits humains, le blocus de Gaza et l’occupation des territoires palestiniens. Ce déséquilibre alimente la colère dans le monde arabe et musulman, tout en fragilisant la crédibilité diplomatique des Occidentaux sur la scène mondiale.

Une logique de fuite en avant

Loin d’apaiser les tensions, l’escalade actuelle révèle une double fuite en avant orchestrée par Netanyahu et Trump, tous deux engagés dans une stratégie de survie politique personnelle. Chacun cherche avant tout à préserver son pouvoir immédiat, quitte à attiser les braises d’un conflit régional aux répercussions potentiellement dévastatrices pour la paix et la stabilité internationale. Cette logique cynique d’instrumentalisation des tensions alimente une spirale de violence qui menace d’embraser durablement le Moyen-Orient, déjà fragilisé par des décennies d’affrontements et de rivalités géopolitiques. Face à cette situation explosive, la communauté internationale apparaît largement paralysée. Incapable d’imposer un cessez-le-feu durable à Gaza malgré la catastrophe humanitaire en cours — où des dizaines de milliers de civils sont déjà morts et où la famine, le manque de soins et la destruction systématique des infrastructures civiles s’aggravent chaque jour — elle se montre également impuissante à rouvrir un véritable processus de négociation. Ni la question palestinienne, qui reste au cœur du conflit, ni la confrontation entre Israël et l’Iran, qui empoisonne la région depuis plus de vingt ans, ne font l’objet d’une médiation internationale crédible. Ce blocage diplomatique prolonge une instabilité qui dépasse désormais les frontières du Moyen-Orient et risque, à terme, de peser lourdement sur l’ordre international tout entier.

 

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