Des actions radicales contre l’industrie de l’armement
Créée en 2020, Palestine Action affirme mener des actions directes non violentes pour dénoncer la complicité britannique dans les crimes de guerre israéliens à Gaza. Le groupe cible notamment les entreprises liées au secteur de l’armement, comme Elbit Systems, un fabricant israélien de drones, et ses filiales basées au Royaume-Uni. Leurs opérations consistent à envahir des sites industriels, s’enchaîner à des machines, peindre les murs en rouge et détruire du matériel. Ces actions ont conduit à des fermetures d’usines, comme celle d’Oldham en 2022, et à des arrestations massives, bien que certains militants aient ensuite été acquittés.
Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023, les activités du groupe se sont intensifiées. Ils ont aspergé de peinture rouge le siège de la BBC à Londres, dénonçant un biais médiatique, et ont bloqué plusieurs installations de géants de la défense, comme Lockheed Martin et Leonardo. Le groupe a également pris pour cible le ministère de la Défense et une statue d’Arthur Balfour à Westminster, symbolisant leur opposition historique à la politique britannique au Moyen-Orient. À l’international, une branche américaine de Palestine Action a vu le jour en 2023, avec une première action contre un bâtiment d’Elbit aux États-Unis.
Une interdiction controversée, un débat judiciaire en cours
C’est la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper qui a présenté le projet de décret au Parlement, arguant que les actions du groupe constituaient une menace pour la sécurité nationale. Mais cette décision soulève de nombreuses critiques. Huda Ammori, cofondatrice de Palestine Action, a immédiatement contesté la mesure devant la Haute Cour de Londres, demandant un gel temporaire de la législation. Le Premier ministre Keir Starmer a pour sa part dénoncé l’attaque contre les avions militaires comme un acte « honteux ».
Le groupe réfute l’accusation de terrorisme. Dans un communiqué, ses porte-paroles affirment que le véritable crime n’est pas la peinture sur les avions, mais la participation du Royaume-Uni aux violations du droit international à Gaza. Ils accusent le gouvernement de vouloir criminaliser la dissidence et rappellent l’hypocrisie de Keir Starmer, qui en 2003 soutenait des activistes ayant perturbé une base militaire pour s’opposer à la guerre en Irak.
Entre libertés civiles et dérive sécuritaire
Cette interdiction marque une rupture sans précédent. Jusqu’ici, la majorité des organisations interdites au Royaume-Uni sont des groupes armés étrangers. La classification de Palestine Action comme entité terroriste pourrait ouvrir la voie à une répression plus large de l’activisme radical. Pour les défenseurs des droits civiques, il s’agit d’un danger pour les libertés fondamentales, notamment celle de manifester pacifiquement contre les politiques d’État.
Le cas de Palestine Action pose donc une question cruciale : jusqu’où un État démocratique peut-il aller pour réprimer l’activisme politique, même radical, sans bafouer les droits d’expression, de manifestation et d’opposition ?
La décision finale de la Haute Cour, attendue dans les prochains jours, sera déterminante. Elle pourrait faire jurisprudence, au Royaume-Uni comme ailleurs, sur la définition du terrorisme et sur les limites du militantisme légitime.
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