
Un carnage a frappé la capitale du Darfour-Nord. Tôt hier matin, un drone des Forces de soutien rapide (FSR, ex-Janjawid) a ciblé une mosquée du quartier El Daraja El Oula, à El Fasher, au moment de la prière de l’aube (Salat Al Fajr). Le bilan provisoire fait état d’au moins 75 morts et de dizaines de blessés graves.
Selon des témoins, l’attaque a eu lieu durant la seconde unité de prière, alors que les fidèles étaient en pleine prosternation. Incapables de se protéger ou de fuir, ils ont été frappés de plein fouet. Plusieurs corps restent encore coincés sous les décombres, faute de moyens de secours et de matériel médical dans une ville assiégée depuis plus de 500 jours.
Des habitants décrivent une scène d’horreur : cadavres alignés, cris étouffés des survivants sous les ruines et familles détruites. Le quartier, qui abritait des déplacés ayant fui la famine et la surpopulation du camp voisin d’Abou Chouk, est désormais ravagé. Parmi les victimes figurent plusieurs notables locaux, accentuant le choc et le traumatisme collectif.
El Fasher, qui compte près de 260 000 habitants dont la moitié sont des enfants, est au bord du désastre humanitaire. L’aide internationale y est quasi inexistante et la crainte d’un bain de sang grandit à mesure que les FSR progressent. Jeudi, ces dernières ont annoncé avoir pris le contrôle de l’ancien siège de la Mission conjointe ONU-Union africaine (Minuad).
À quelques kilomètres, l’aéroport transformé en base militaire et le QG de la 6ᵉ division de l’armée soudanaise sont désormais menacés, plaçant les civils et les infrastructures vitales sous une pression extrême.
Entre janvier et juin 2025, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a recensé 3 384 civils tués au Soudan, dont près de 80 % au Darfour. Parmi eux, 2 398 ont péri dans des zones densément peuplées sous le feu des bombardements et frappes de drones. À ces chiffres s’ajoutent 990 exécutions sommaires, souvent d’adolescents accusés à tort d’appartenir aux forces en conflit.
Les violences sont récurrentes :
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avril 2025 : attaque des FSR sur El Fasher et le Darfour-Nord, au moins 527 morts, dont plus de 270 réfugiés,
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mars 2025 : frappes aériennes de l’armée soudanaise sur le marché de Tora, 350 morts, dont 13 membres d’une même famille.
L’ONU dénonce aussi l’usage de violences sexuelles comme arme de guerre, des arrestations arbitraires et l’assassinat de journalistes.
Le Soudan traverse aujourd’hui la pire crise humanitaire au monde :
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24,6 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire,
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19 millions n’ont pas accès à l’eau potable,
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une épidémie de choléra se propage,
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au moins 30 travailleurs humanitaires ont été tués depuis janvier.
Les FSR contrôlent une grande partie du camp d’Abou Chouk, accentuant la peur des habitants d’El Fasher, pris au piège et privés de toute issue.
Pour Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU, la situation illustre un « conflit oublié », où l’ethnicisation croissante alimente un cycle de violence incontrôlable. Shayna Lewis, membre de l’ONG Avaaz, prévient : « Les rues d’El Fasher seront maculées du sang bien avant que la communauté internationale ne réagisse. »
Les communications sont coupées dans tout le Darfour-Nord, isolant encore davantage la population. En parallèle, près de 20 000 Soudanais ont fui vers le Tchad ces derniers jours, signe d’un exode massif qui ne cesse de s’amplifier.
Depuis avril 2023, la guerre entre l’armée soudanaise et les FSR a déjà causé des dizaines de milliers de morts et forcé plus de 13 millions de personnes à l’exil. Un responsable humanitaire de l’ONU résume l’urgence : « Chaque minute sans action fragilise El Fasher. Chaque jour d’inaction rapproche le Darfour d’un cauchemar irréversible. »
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