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L’absence de toilettes publiques : danger de santé publique

Par H. Benrabia-- depuis 9 heures 0

L’absence de toilettes publiques propres et accessibles pose un sérieux problème de santé dans les villes algériennes, alertent les spécialistes de santé. Et cette problématique ne concerne pas que le confort : elle affecte directement la qualité de vie et la santé physique et mentale de milliers de personnes.

La fermeture estivale des toilettes de nombreux cafés — faute d’eau — a révélé une réalité bien connue des Algériens : l’extrême rareté des toilettes publiques. Près de la moitié des citoyens affirment y avoir été confrontés, et deux tiers jugent les installations existantes sales, malodorantes ou dangereuses.

En pleine promenade, une envie pressante pousse souvent à chercher un café. Mais en été, nombre d’entre eux ferment leurs toilettes. Résultat : des milliers de femmes, plus impactées encore, réduisent leurs sorties ou s’en privent complètement.

Urgence sanitaire pour les malades intestinaux

Pour les personnes atteintes du syndrome du côlon irritable, de colite ulcéreuse ou de la maladie de Crohn — des pathologies qui touchent beaucoup de personnes — l’accès rapide à des toilettes est vital. L’Algérie est d’ailleurs parmi les pays comptant le plus grand nombre de cas de maladies inflammatoires intestinales, un phénomène lié à l’alimentation ultra-transformée et au mode de vie moderne.

Certaines personnes n’ont que quelques minutes pour agir en cas d’urgence. Sans toilettes accessibles, cela peut vite tourner au cauchemar, avec des conséquences sociales lourdes : isolement, anxiété, perte d’estime de soi.

S’abstenir d’uriner ou de déféquer : un danger invisible

Par manque de toilettes accessibles, propres ou sécurisées, de nombreuses personnes prennent l’habitude de se retenir d’uriner ou de déféquer. Si ce comportement devient fréquent, il peut entraîner des conséquences médicales sérieuses. Retenir l’urine favorise la prolifération de bactéries dans la vessie, augmentant ainsi le risque d’infections urinaires, notamment chez les femmes, plus vulnérables. Cette habitude peut aussi conduire à des cystites chroniques, pouvant évoluer vers des atteintes rénales si elles ne sont pas traitées. Côté digestif, se retenir régulièrement perturbe le transit intestinal, provoquant constipation chronique, douleurs abdominales, hémorroïdes, voire fissures anales. Les personnes souffrant de maladies intestinales comme la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse ou le syndrome du côlon irritable peuvent voir leurs symptômes s’aggraver en raison de l’impossibilité d’accéder à des toilettes rapidement. Ce “refus biologique” imposé par des conditions sanitaires inadéquates constitue donc un risque invisible mais bien réel pour la santé.

Une souffrance silencieuse : isolement social et impact psychologique

Privés de toilettes accessibles, propres ou sûres, de nombreux citoyens vivent une détresse invisible mais bien réelle. Par peur d’un accident embarrassant ou face à l’impossibilité d’accéder à des sanitaires décents, certains limitent drastiquement leurs sorties, évitent les lieux publics, ou renoncent à des opportunités professionnelles ou sociales. Ce repli progressif alimente un isolement social profond, les poussant à restreindre leur quotidien pour fuir des situations anxiogènes. La crainte permanente d’un besoin pressant génère une angoisse constante, minant peu à peu la confiance en soi. Les femmes sont particulièrement touchées, car elles font souvent face à des toilettes moins propres, peu sécurisées ou inadaptées à leurs besoins spécifiques. Cette réalité renforce les inégalités de genre, transformant un problème d’hygiène publique en un véritable enjeu de dignité, de santé mentale et d’inclusion sociale.

Risques collectifs : propagation de maladies infectieuses

L’absence d’un accès suffisant à des toilettes salubres engendre des comportements à risque aux lourdes conséquences sanitaires. Face au manque de solutions, certaines personnes en viennent à uriner ou déféquer en plein air, dans des parkings, des cages d’escalier ou des recoins urbains inadaptés. Ces pratiques favorisent la contamination de l’environnement : les matières fécales peuvent souiller les sols, l’eau ou l’air, exposant la population à des agents pathogènes comme la bactérie E. coli, le virus de l’hépatite A ou encore celui du choléra. Les personnes sans domicile, déjà en situation de grande vulnérabilité, sont particulièrement exposées à ces risques. Ce déficit d’infrastructures sanitaires ne se limite donc pas à un inconfort individuel : il constitue une menace de santé publique à part entière.

Pression accrue sur le système de santé

Le manque d’accès à des toilettes salubres exerce une pression croissante sur le système de santé. En effet, les infections urinaires, les troubles digestifs et les complications liées à la rétention prolongée des besoins entraînent une augmentation significative des consultations d’urgence. Cette situation conduit également à une prescription plus fréquente d’antibiotiques, avec à la clé un risque préoccupant d’antibiorésistance. Dans les cas les plus sévères, ces pathologies peuvent nécessiter des hospitalisations, mobilisant davantage de ressources médicales et alourdissant encore un système de santé déjà sous tension.

L’urgence d’une politique sanitaire préventive

Face à l’ampleur des risques sanitaires et sociaux, l’installation de toilettes publiques salubres et leur entretien régulier doivent être considérés comme une véritable urgence de santé publique. Au même titre que l’accès à l’eau potable, ce besoin fondamental doit être intégré de manière structurelle dans les politiques de santé, d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Il est impératif que les municipalités y consacrent des investissements concrets et durables, en veillant à adapter ces installations aux besoins spécifiques des femmes, des enfants, des personnes âgées et des individus atteints de pathologies chroniques. Une telle approche préventive permettrait non seulement d’améliorer la santé collective, mais aussi de lutter contre l’exclusion sociale et les inégalités d’accès aux espaces publics.

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